"Ce qui est mort ne saurait mourir..." [Pv Eow]

S'il avait été conscient de sa propre condition, il aurait été intéressant de connaître le point de vue d'un ver de terre sur ses excavations et ses explorations dans le sol.

S'il avait été conscient et démontrait une forme d'intelligence assez évoluée, il aurait pût nous fa ire part de certains secrets qu'il aurait été intéressant de connaître.

Néanmoins, il n'avait pas besoin d'une quelconque intelligence pour comprendre que ce qui se passait là était loin d'être naturel, aussi, dès que l'esquisse d'un mouvement se forma, il disparut. S'enfouir dans une autre galerie, fuir, s'éloigner de cette chose qui s'animait.

Du sang, de la terre et un peu d'air. Trop peu d'air. Il n'aurait jamais pensé qu'il goûterait tout ceci en même temps et l'espace d'un instant ces myriades de pensées s'étendirent vers un but auquel il tendait plus que tout.

Sortir.

Ses doigts se mouvaient tels des serpents, remuant la terre pour parvenir à trouver quelque chose dans cet endroit où menaçait à tout instant chaque parcelle de terre. Lentement, mais sûrement, il commença à gratter la terre et la roche, il sentait l'énergie affluer en lui, comme des éclairs vifs qui le harcelait, le parcourait et lui donnait de l'énergie. De l'espace, encore un peu d'espace, toujours plus d'espace, sa main pouvait lentement se relever et il sentait progressivement la force lui revenir, un peu comme s'il naissait à nouveau, c'était une renaissance, oui.

Il sentait la terre s'affaiblir, s'amollir, il la sentait céder, lentement, il serra son poing, puis l'enfonça au-dessus de lui, il sentit l'air frais caresser sa peau, l'embrasser et à cette pensée son cœur tressaillit. Une fois la faille trouvée, il ne restait plus qu'à s'y engouffrer et il parvint à s'extirper de sa tombe, nu. S'il savait d'où il revenait, il ne savait pas comment, ni pourquoi, il prit place par terre, laissa ses coudes s'appuyer sur ses genoux, puis baissa la tête. La pluie commençait à tomber, comme pour le laver de ses péchés. Mais avait-il commis quelques péchés que ce soit ? Il n'en avait pas souvenirs. Lentement, la terre et la boue quittait sa peau nue et ses longs cheveux.

Il se souvenait du moment où ses yeux s'étaient posés sur Amna, désirable Amna, il l'avait mené d'un point à un autre, il avait voulu faire d'elle son jouet, lui prouver quelque chose qu'elle ne voulait réaliser. Mais le jeu s'était retourné contre lui et il l'avait payé.

Cher.

Sa main vient derrière sa nuque, la massant légèrement. Quelque chose s'était passé, il se souvenait de la douleur fulgurante lorsque la lame s'était abattue sur celle-ci, mais il ne pouvait expliquer pourquoi on le renvoyait ici, pourquoi on avait rattaché sa tête sur son corps.

Pourquoi rétablir un fléau à cette place ?

Ses yeux s'étrécirent cependant, alors qu'une chose lui manquait, une chose auquel il tenait plus que tout...

* Mon Katana... Firiniënwé... *

Lentement, il avança sa main en direction de sa tombe, un peu craintif, comme si une autre main allait à son tour surgir pour l'emporter et l'emprisonner dans cette tombe qu'il avait quitté il y a peu mais rien ne l'emporta et il pût, en fouillant bien, trouver son katana, soigneusement emballé dans un morceau de tissu.

* Jolie attention, il est probable qu'elle soit du fait de la petite Amna... Délicieuse jeune femme... *

Il se sentait à nouveau complet et près à s'abattre sur Mereth, dans sa soif de destruction, de meurtres et de carnages, mais une bise glacée vint lui rappeler aussi que la vie l'exposait au froid à nouveau, la ville était toujours enfoncée derrière ses remparts et les portes fermées ne s'ouvriraient probablement pas pour lui. Encore que...

Trois coups sur la porte.

Le judas s'ouvrit et le vieillard écarquilla les yeux, impossible que ce fût...

« Ouvre la porte, ou je te jure que ma colère hantera tes nuits et jamais tu ne trouveras de repos... »

Sentir ses longs doigts fins enserrer la tsuka de son katana fût des plus jouissif et il se surprit à en caresser chaque aspect, le katana n'avait pas été rongé par le temps, il était aussi vif et puissant qu'il l'avait été. Souffler ces mots au vieil homme lui avait rappelé combien il était fait pour tuer et diriger ces esclaves.

Son retour allait être sanglant.

La porte s'ouvrit, le vieux s'avança vers lui, voulant probablement s'assurer de ce qu'il voyait.

« Dix années ont passées... Je vous ai vu mourir, je n'ai pas oublié votre sourire avant que l'on vous... »

Il ne finirait jamais sa phrase, pas plus qu'il ne serait hanté par la colère de celui qui était revenu d'entre les morts, car ce dernier s'était saisi d'une main preste de son katana et le froid métal avait cinglé le cou du vieux qui offrait à présent un sourire rouge et béant, il porta la main à cette jolie beauté que le Mirien venait de créer, Mirien qui avait accomplit tout ceci rapidement, tournant sur lui-même avec agilité, ses longs cheveux de jais formant une robe ondulante, puis retombant, alors que sa lame pénétrait à nouveau son saya. Une large trainée de sang l'éclaboussa et il pût goûter un petit peu de ce liquide de vie, qu'il trouva délicieux, au demeurant. Un bref regard aux vêtements du vieux et il comprit que ces loques étaient indignes de lui, de sa prestance et de sa noblesse naturelle.

Il faisait froid.

Qu'à cela ne tienne, il avança, sous la pluie, à la recherche d'un endroit où se réchauffer et éventuellement d'habits dignes de son rang...

Plongée dans l'obscurité, vibrante d'énergie. Vivante.

La lumière, l'explosion de luminosité. Les yeux agressés, par trop d'éclat. Le soleil répercutant sa lumière sur la neige, dans une blancheur immaculée.
La jeune femme s'était retrouvée à environ deux kilomètres de Nendili, distance qu'il lui fallut parcourir à pied car son destrier ne se trouvait plus à ses côtés. Où il était, le mystère demeurait entier. Tout comme celui entourant ce long moment de stase. Combien de temps s'était écoulé pendant ? Deux jours ? Une semaine ? Des années peut-être ? Toujours est-il que la vue perçante de l'Elfe avait su déceler les filets de fumée s'échappant des cheminées de la ville. Ses katanas étaient toujours avec elle, ainsi qu'une partie de ses affaires, et son or. Ses provisions en revanche, envolées, tout comme ses affaires de rechange.

Arrivée en ville, elle avait immédiatement réservé une chambre dans une auberge confortable, et fait quelques emplettes : Une tunique, un pantalon, le tout en cuir noir, des sous-vêtements faits de doux tissus, ainsi qu'une cape noire, simple et chaude. Ayant déniché l'adresse d'un éleveur de chevaux, la belle s'y dirigeait lorsque son regard se porta sur une silhouette à l'autre bout de la rue, là où débutait la ville.

Un homme. Nu comme un ver, aux cheveux d'une longueur telle qu'Eowynia n'en avait vu de tels qu'une seule fois au cours de sa vie. Comment se nommait il déjà ? Aucune idée. L'Elfe se dirigea rapidement vers lui, et avant qu'il n'ait pu faire un geste lui attrapait le cou d'un bras, lui coupant brièvement la respiration pour le traîner dans une rue latérale hors de tout regard. La Silindoreil l'observa avec attention pendant qu'il se reprenait. Oui, c'était bien cet homme. Celui-ci qui l'avait blessée puis sauvée, pour ensuite se sauver au cours d'une nuit de fuite. Mais comment se nommait il ? Il n'avait pas daigné lui révéler son identité.

- Ainsi nous nous retrouvons. Elle dégrafa sa longue cape doublée de fourrure de loup et lui tendit. Tu devrais porter ceci, le temps de trouver des vêtements... Sinon on n'aura plus qu'à couper ta virilité pour nourrir les chèvres car celle-ci risque de finir gelée. Et ne continues pas à me fixer comme cela ou je te laisse geler sur place. Je ne sais déjà même pas pourquoi je t'aide alors que tu t'es enfui la dernière fois que nous voyagions.

L'observant toujours, elle le regarda s'envelopper de sa cape, alors qu'elle-même revêtait celle, plus légère, qu'elle venait de s'acheter, alors qu'il lui enjoignait qu'il ne porterait cette cape faite pour les femelles que le temps de trouver des vêtements dignes de son rang et de son statut d'homme. Ce à quoi elle répliqua que même un homme noble mais nu ne rechignerait pas contre une cape et la sauvegarde de sa virilité. Décidément, cet homme était un monstre d'égocentrisme. Mais il était facilement irritable et faisait donc par ce trait de caractère un excellent moyen de s'amuser en toutes circonstances. Sa promptitude à la colère et au combat était telle qu'elle pourrait sans doute se rendre utile au cours du temps qu'ils passeraient ensembles. Car oui, Eowynia était bien décidée à lui tenir compagnie un moment, ou, au moins jusqu'à ce qu'elle ne se lasse de sa compagnie. Après tout, il lui devrait rapidement tout.

Il était nu, elle avait une cape. Il ne possédait plus rien d'autre que son katana, elle avait à sa disposition une bourse fort rebondie, et, ainsi, plus qu'il n'avait sans doute jamais possédé, si l'on excepte sa démence. Et, déjà, des gardes courraient en tout sens dans les rues de Nendili. Quelque chose de grave devait s'être produit pour qu'une telle effervescence ait lieu ici. Elle fixa l'homme à la longue chevelure corbeau.

La nuit était délectable, d'une fraîcheur à faire frissonner de plaisir ceux qui préférait le froid au chaud. Mieux que tout, cette sensation de froid qui traversait ses veines lui rappelait d'où il venait.

D'une tombe.

Et un sourire s'épanouit sur son visage a cette pensée alors qu'il cavalait tranquillement dans la rue et le froid. Lentement, le soleil se couchait, et il l'observait avec un plaisir malsain, ce genre de plaisir que seul le sexe ou la mort pouvait lui procurer d'habitude. Il s'arrêta un moment pour contempler tout ça, la vie, le soleil, la neige. Toujours nu. C'est alors qu'il remarqua une femme se dirigeant à grandes enjambées vers lui. Elle l'emmitoufla dans une cape et semblait vouloir communiquer mais il ne l'entendait pas, trop perdu qu'il était dans l'observation de tout ceci, furtivement, l'ombre de son sourire disparut et il s'agaça qu'on ose lui imposer de porter une cape quand lui ne recherchait qu'a trouver des vêtements dignes de sa stature. Considérant pourtant le froid, il accepta brièvement le don de l'elfe.

Un son de cloche retentit. Une alarme.

Il afficha un sourire et lut l'incompréhension sur le visage de la jeune femme. Ses longs doigts fins s'attachèrent autour du bras de l'elfe et il l'entraîna à sa suite, il semblait doté d'une force que sa constitution ne laissait pas présager, en effet, il était d'une minceur qui frisait le famélique et même ses pommettes étaient saillantes. Ils s'enfoncèrent plus en avant dans la ruelle, il finit par trouver un recoin dissimulé dans l'ombre et la colla à lui. Quelques mots s'écoulèrent finalement :

« Ainsi, nous nous connaissions, avant ? »

Il ne pût se départir d'un sourire même si la surprise d'un tel constat le laissait perplexe. Il se souvenait d'avant mais ne pouvait concevoir a quand datait ce avant. Malgré son naturel taciturne, il semblait prêt à poser des tas de questions afin d'obtenir réponses. Il laissa s'échapper un silence après que l'elfe lui eût répondu puis, songeur, il reprit :

« Et ce avant, il date de quand ? Une dizaine d'années ? »

Une manière de savoir combien de temps s'était écoulé depuis la dernière fois où il foulait cette terre et de pouvoir réassocier l'elfe à un moment précis. Et alors que le froid se faisait plus piquant, il sentit quelque chose se dresser en lui. Peut-être était-ce dû à l'excitation morbide du meurtre, ou peut-être que son corps retrouvait peu à peu ses fonctions après dix années de rigidité cadavérique ou bien, enfin, était-ce dû à cette elfe dont le physique était tout sauf déplaisant. Les possibilités étaient multiples, mais la traduction était une : il se sentait dur et il était certain que l'elfe percevait ce subtil changement. Loin d'être le moins du monde gêné, il attendait la réponse de l'elfe alors que de nombreux bruits de pas étaient perceptibles alentour, passant parfois non loin d'eux, mais toujours les oubliant. Et bien que l'envie de séparer des corps en deux le taraudait il parvenait à se contrôler.

Une chose le retenait : la vengeance.

Cette ville allait payer son exécution.

L'Elfe se laissa entraîner par le jeune homme plus profondément dans la ruelle, devinant qu'il était sans doute la raison pour laquelle il y avait des gardes courant dans tous les sens. Étrangement, cela ne la surprenait pas, venant de la part d'un homme qui tranche la gorge d'une vieille femme lui demandant de travailler. Il eu cependant l'imprudence de la plaquer dos au mur, et de se tenir bien trop près d'elle à son goût, chose que peu d'hommes pouvaient se vanter d'avoir fait dans la même tenue qu'Eluan.

« Ainsi, nous nous connaissions, avant ? »

La jeune femme fronça les sourcils. Décidément, sa mémoire ne s'était pas arrangée durant la période de stase qui avait gelé le monde. Déjà que cela n'avait pas l'air d'être son point fort à la base...

- Si vous vous en souveniez, vous sauriez qu'il vaudrait mieux pour vous et votre intégrité de ne pas rester aussi près de moi, à moins que l'idée de castration ne vous séduise à ce point, d'autant plus que, oserais-je dire, vous sentez la mort. Et pas dans le bon sens du terme. Mais effectivement, nous nous connaissions, bien que vous m'avez abandonnée en pleine nuit alors que vous deviez faire le guet. Excusez-moi donc si l'envie de vous castrer de par votre attitude là mais également vos actes passés me taraude...

En effet, jamais Eowynia n'avait senti une telle pestilence venant d'un homme. Et elle en avait vu des hommes puants, et ce sans avoir à compter sur son don lui permettant d'affûter son odorat. Mais là, l'odeur était terrible. Eluan semblait digérer les paroles de l'Elfe, son front se plissant sans doute en proie à un grand conflit intérieur. Il sembla cependant se contenir puisqu'il lui demanda à quand remontait leur rencontre.
Ce à quoi elle répondit :

- Et bien, c'est à peu près ça. Il semblerait que vous n'avez pas chômé durant ces années, si je peux en juger par le nombre de gardes à votre recherche, vous avez eu de la chance que je vous tombe dessus.. Oh et puis... Je vous conseille de reculer si vous ne voulez pas que je mette mes précédentes menaces à exécution. Ceci dit en passant, je ne connais toujours pas votre nom. Que vous seriez bien avisé de me donner gentiment, à moins que vous ne souhaitiez finir dans les geôles de cette ville...

Elle sourit largement à ces propos. Il lui devait tout, elle était son salut pour s'échapper vivant de cette ville et il avait intérêt à la respecter comme il se devait, et à obéir à ses ordres. La vie de cet homme était entre ses mains, et l'Elfe trouvait ce sentiment comme jouissif.

- Oh, et voilà ce que l'on va faire. Vous allez venir avec moi à l'auberge où je me suis installée, vous vous débarrasserez par la même occasion de votre puanteur, et nous pourrons discuter d'un plan pour sortir de ce trou. Oh, et j'imagine qu'il faudra aussi trouver de quoi couvrir votre petit chauve...

Elle le repoussa donc, et se mit tranquillement en chemin pour l'auberge, où elle avait commandé un grand bain dont finalement elle ne profiterait même pas. La belle laissa échapper un léger soupir à cette pensée, mais l'idée qu'elle risquait de tirer grand profit de cette aventure lui remonta le moral, l'amusement la gagnait déjà de tenir cet homme en son pouvoir. Cette pensée l'occupa durant tout le trajet où les gardes ne les dérangèrent pas, après tout, ils cherchaient un homme seul, et non pas un homme accompagné d'une Elfe. Celle-ci poussa la porte de l'auberge, accueillant la vague de chaleur provenant de l'âtre avec bienfaisance, et guida Eluan jusqu'à la chambre qu'elle s'était réservée où attendait un baquet d'eau parfumée fumante. C'était une pièce simple, dotée d'un grand lit, d'une armoire, une table ainsi que des chaises de bonne qualité. Elle ferma immédiatement les rideaux et fit face à l'homme qu'elle avait conduit ici.

A mesure que l'elfe parlait, il en apprenait un peu plus sur une partie de son passé, une partie dont l'intérêt pouvait par certains aspects se révéler très limité, mais il buvait les paroles de la jeune femme sur ce sujet parce qu'il savait que c'était d'une certaine façon important pour lui d'avoir ces détails. Le reste de ses paroles recelaient quelques notions intéressantes comme une fixation sur des pratiques sexuelles ou de torture (c'est selon vos goûts) plutôt douteuses ainsi que la possibilité d'être plus ou moins hébergé sans frais. Le Mirien avait toujours été un errant depuis qu'il avait brûlé le château familial et assassiné son père, pourtant, la bourse n'avait jamais été un problème pour lui, bien au contraire. Mais depuis sa mort il avait été spolié de sa richesse en plus de ses titres et rangs. Et même si l'idée de vivre aux frais de quelqu'un l'horripilait hautement, il devait convenir que c'était là la seule solution, bien entendu c'était l'idée d'être redevable à quelqu'un qui le dérangeait plus qu'autre chose, mais les solution alternatives s'avéraient réduites, voire inexistante alors qu'il suivait la jeune en baissant la tête. Son manque de répondant était tout à fait volontaire, des tas de répliques avait fusés mais il n'avait pipé mots. Docilement, il avait suivi, espérant intérieurement qu'elle ne le connaisse pas assez bien pour savoir que ce genre de réactions n'était pas normale pour lui. Ils traversèrent assez rapidement le paquet de garde qui entouraient les environs des lieux du crime pour finalement arriver en face d'une auberge somme toute ordinaire. A l'intérieur, l'errant ne prit même pas la peine de détailler quoi que ce soit tant il était sûr que l'ennui le prendrait, il se contenta de suivre l'elfe jusqu'à sa chambre, à peine la porte se refermait que déjà la cape glissait et que lui s'enfonçait dans le baquet d'eau chaude. L'Elfe parût attendre quelque chose mais il prit son temps, préférant l'observer, détailler ses expressions, comme pour se remettre en mémoire ce visage qu'il aurait dû reconnaître. Finalement, il ferma les yeux, s'enfonça un peu plus dans le baquet, ses bras étendues à l'extérieur pour garder appui et il prit la parole sur un ton dénué d'émotion :

« Je crois que mon nom est Eluan Mirien. »

A nouveau il laissa un temps se passer, profitant de la douceur du bain, la chaleur se diffusait sur sa peau et il savourait le parfum de celui-ci, les senteurs avaient quelque chose d'excitant, elles affolaient ses sens et il surprit son cœur à battre un peu plus vite alors qu'il se délectait de cet ensemble. Il se laissa aller, pour finalement enfoncer tout son corps dans le baquet, sous l'eau. Là, il ouvrit les yeux, appréciant un peu plus la chaleur qui s'emparait de lui. Au bout d'un moment il se redressa et sortit sa tête de l'eau, soupirant, il finit par reprendre la parole d'un ton égal tout en fixant l'elfe :

« Je ne suis pas contre la possibilité d'apprendre votre nom. Ni même contre le fait d'apprendre ce que j'ai bien pu manquer ces dix dernières années. Quand à mon petit chauve... Vous semblez être experte en ces choses pour pouvoir reconnaître un grand d'un petit. Auriez-vous tapiné ? »

Conscient qu'elle encaisserait probablement mal ce coup-bas, il se prépara à une réaction violente, néanmoins, devant l'étonnement manifeste qu'elle montrait à propos du questionnement sur les événements passés ces dix dernières années il la transperça d'un regard froid pour achever son temps de parole sur un ton tout aussi glacial :

« Je vous prie d'excuser mon ignorance à ce niveau, ces dix dernières années, j'étais mort. »

Son ton sérieux, son attitude de marbre, tout laissait entendre qu'il ne plaisantait pas et c'était bien là que se trouvait le malaise.

Car il était on ne peut plus sérieux.

Au moins, il n'avait pas traîné à sauter dans le bain brûlant qui trônait dans la chambre, ce qui était une bonne chose. L'Elfe le laissa profiter de l'eau quelques temps et s'assit sur le lit de manière à réfléchir à ce qui allait se passer ensuite. Il avait été étrangement silencieux sur le chemin, et l'était tout autant à présent, mais le fait qu'il profitait du bain y était sûrement pour quelque chose. Perdue dans ses pensées, elle sursauta légèrement lorsqu'il daigna prendre la parole.

« Je crois que mon nom est Eluan Mirien. »

Elle ne pipa mot. Eluan Mirien. Ce nom lui parlait, et pourtant, elle ne trouvait aucun souvenir s'y associant. Comme si un brouillard profond enveloppait ce qui s’associait à lui. Pourquoi ne parvenait-elle pas à se rappeler ? La frustration grimpait alors qu'elle réfléchissait à ce nouveau problème, qui occultait à présent complètement le premier : Comment sortir de Nendili ?. Le temps s'écoulait sur cette réflexion, n'apportant pas de réponses, sinon plus d'interrogations encore.

« Je ne suis pas contre la possibilité d'apprendre votre nom. Ni même contre le fait d'apprendre ce que j'ai bien pu manquer ces dix dernières années. Quand à mon petit chauve... Vous semblez être experte en ces choses pour pouvoir reconnaître un grand d'un petit. Auriez-vous tapiné ? »

Elle mit un certain temps avant d'assimiler les paroles d'Eluan, perdue qu'elle était dans ses pensées. Saisissant une dague ouvragée dissimulée dans sa botte droite, la belle se releva promptement et s'avança à grand pas vers le baquet, dos au jeune homme. Elle s'arrêta à quelques centimètres de lui, et, tout en se penchant elle lui susurra à l'oreille avant de passer sa dague sur la gorge d'Eluan.

- La seule fois où j'ai pu toucher un trottoir d'aussi bas fut la fois où des marauds ont eu la mauvaise idée de me voler ma bourse et sont parvenus à prendre le dessus sur moi par le nombre et tentèrent de me violer... Heureusement pour moi, un preux chevalier passait dans le coin et m'a secourue... Ou plutôt les a distraits et je les ai massacrés comme des porcs tel qu'ils le méritaient... Encore une remarque de ce genre et je mettrais mes menaces à exécution, mais bien que ce soit sur votre gorge que cette fort belle lame soit pointée, elle peut très vite descendre à vos attributs... J'imagine cependant que vous devez avoir un certain intérêt pour vos bijoux de famille puisque à première vue, c'est tout ce qu'il vous reste. Gardez à l'esprit qu'on ne menace pas une Silindoreil. A ce propos... Je me nomme Eowynia. Silindoreil, vous l'aurez compris.

La belle Elfe recula en jouant distraitement avec sa dague, qu'elle laissa tomber lorsqu'il lui parla de sa «mort». Elle se retourna alors vers lui, incrédule, mais il avait l'air tout d'être ce qu'il y a de plus sérieux. Ou en tout cas, Eowynia ne l'avait jamais vu l'air si grave. Elle toussa légèrement en ramassant sa dague et en se rasseyant sur le bord du lit, pensive.

- Vous n'avez rien loupé d'important... Un phénomène étrange a comme gelé ce monde, durant plusieurs années. Les sages s'accordent à dire que cela équivaudrait à une période d'une dizaine d'années. A part ça, rien n'a changé, Eséens et Asméens se vouent toujours une haine féroce, et ce n'est pas prêt de changer... On ne se renouvelle pas. Mais.. Quelle est donc cette histoire de «mort» ?

La guerrière resta impassible durant le récit du jeune homme, écoutant avec attention cette histoire singulière. La date de sa résurrection coïncidait avec celle où elle même s'était retrouvée ici. Étrange. Décidément, des choses spéciales semblaient se passer depuis peu, voilà qui promettait de devenir intéressant.

- Bon. Je ne sais pas quels sont vos plans pour le moment, mais j'imagine que sortir d'ici vivant en est un... J'imagine que je n'ai plus qu'à me joindre à vous puisque si l'on me trouve mêlée à vos affaires je risque d'en prendre pour mon grade, et je tiens à sauver ma peau. Les choses deviennent... Intéressantes en ce moment...

Alors que la lame s'était posée sur son cou et qu'il avait senti son tranchant, une excitation malsaine avait reprit le dessus. L'elfe – et la violence qu'elle déployait – avait le don de lui donner des idées où violence et sexe s'entremêlait et il se contenta de sourire tout le long de l'histoire de la jeune femme, lorsqu'elle se retira, il poussa un soupir de déception. Ainsi l'elfe se nommait Eowynia Silindoreil, elle brandissait ce nom comme on brandit un titre mais cela ne rappelait rien à Eluan, si c'était de la noblesse d'Asmae alors ses leçons avaient été incomplètes. Il prit la parole, sur un ton égal :

« Bien jolie histoire, toutefois, ne comptez pas sur moi pour vous plaindre, si vous êtes ici c'est que vous méritez de l'être, ni plus ni moins, peu importe les moyens que vous avez déployés pour y arriver. Si vous arrivez à vous satisfaire de cette idée alors pas besoin d'en parler. »

Il la fixa intensément :

« Si vous avez survécu c'est que vous êtes forte, c'est tout ce qui compte. »

Arrivait alors cette partie étrange de sa vie sur lequel il devait revenir : sa mort. Un concept pas si simple que ça mais qui, en fin de compte, répondait à beaucoup d'interrogations des fidèles (ou pas d'ailleurs, puisque Eluan n'avait jamais spécialement été un cul béni), faisant une grimace et soupirant, il finit par reprendre sur cette histoire :

« Ces dix dernières années j'étais bêtement et simplement mort. Et il y a quelques heures la vie est revenue dans mon corps et j'ai pu sortir de ma tombe, à la sortie de la ville. Je m'estime lésé. Je pensais que la nouvelle de ma mort aurait au moins été relayé sur tout le continent et même au delà, mais il semblerait que cette ville de pucelles imbibés d'alcool n'ait pas eût le cran de prétendre à mon assassinat... Figurez-vous Eowynia que ce cou a jadis été séparé en deux... »

Et joignant le geste a la parole, il se tourna pour mettre sa nuque face à la jeune femme et la dégagea de ses longs cheveux d'un noir corbeau. On y voyait encore une balafre effroyable là où l'épée s'était abattue, tranchant net la tête du corps, esthétiquement ce n'était pas des plus agréable à regarder, mais bon, il devait faire avec et ceux qui contemplerait son cou ne verrait plus cette peau fine et délicate mais bien cette innommable cicatrice. Son ton était un brin plus mélancolique :

« Je pense que chaque habitant de cette ville qui l'a vécu doit se souvenir de mon exécution, si jamais vous doutiez de mon histoire, ce dont je ne vous porterais pas préjudice, moi même je ne me croirais pas à votre place. Si le doute vous assaille, n'hésitez pas à interroger des passants lorsque nous nous rendrons vers mon objectif, ils devraient se souvenir de moi et de Amna... J'en arrive donc à votre dernier point. Partir d'ici reste une idée intéressante, je ne peux le nier, cependant il va me falloir régler quelques comptes, avant, deux affaires me retiennent ici et comme nous sommes dans le même bain,

ce trait d'humour le fit sourire,

métaphoriquement bien entendu, je nous trouverais un moyen de sortir d'ici si vous me laissez me venger du juge qui m'a condamné et si vous me laissez enquêter sur un homme que je recherchais il y a dix ans, c'est cet homme que je recherche qui ma fait venir dans cette ville maudite, je le tiens en partie responsable de la mort que j'ai reçu et il devra lui aussi payer, le moment venu. »

Il y avait autre chose qu'il n'avait pas dit, cet homme qu'il cherchait était un mage noir qui faisait partit intégrante d'une secte étrange qui se nommait l'Oeil du Crépuscule et il avait la clé d'une chose qui importait à Eluan à l'époque : la possibilité de recouvrer sa mémoire. Tout ceci pouvait sembler vain à première vue mais Eluan n'avait que cette obsession pour le porter : vengeance. Son regard sérieux se posa sur l'elfe :

« Qu'en dites-vous, Eowynia ? »

« Je pense que chaque habitant de cette ville qui l'a vécu doit se souvenir de mon exécution, si jamais vous doutiez de mon histoire, ce dont je ne vous porterais pas préjudice, moi même je ne me croirais pas à votre place. Si le doute vous assaille, n'hésitez pas à interroger des passants lorsque nous nous rendrons vers mon objectif, ils devraient se souvenir de moi et de Amna... J'en arrive donc à votre dernier point. Partir d'ici reste une idée intéressante, je ne peux le nier, cependant il va me falloir régler quelques comptes, avant, deux affaires me retiennent ici et comme nous sommes dans le même bain,ce trait d'humour le fit sourire, métaphoriquement bien entendu, je nous trouverais un moyen de sortir d'ici si vous me laissez me venger du juge qui m'a condamné et si vous me laissez enquêter sur un homme que je recherchais il y a dix ans, c'est cet homme que je recherche qui ma fait venir dans cette ville maudite, je le tiens en partie responsable de la mort que j'ai reçu et il devra lui aussi payer, le moment venu. »

« Qu'en dites-vous, Eowynia ? »

- Restez ici et terminez votre bain, je reviens.

Sans plus de cérémonies, la jeune femme rangea sa dague dans le fourreau dissimulé dans sa botte, remit sa cape sur ses épaules, et sortit de la chambre, laissant Eluan seul. Elle soupira. Il fallait qu'elle vérifie cette histoire. Il ne pouvait pas être mort pendant dix ans, c'était tout bonnement impossible. L'Elfe descendit dans la grande salle de l'auberge et demanda au patron :

- Excusez moi. Affaires Eséennes, je suis à la recherche d'un homme, grande taille, longs cheveux noirs, peau soignée. Il porte un kimono bleu sombre et possède un katana. L'auriez vous vu dernièrement ?

Imperturbable, l'homme lui répondit tout en continuant à astiquer le verre qu'il tenait à la main.

- Vous arrivez bien trop tard mad'moiselle, il a été abattu il y a de cela dix ans ! Je vois très bien de qui vous parlez, un psychopathe, si vous voulez mon avis. Qu'il repose six pieds sous terre est une bonne chose, si vous voulez mon avis.

L'Elfe inclina la tête pour le remercier de sa réponse et sortit. Il devait confondre. On ne peut revenir comme cela d'une tombe. Elle devait trouver un paysan, quelqu'un qui traînait dans les rues de la ville, le genre de personne qui sait tout ce qu'il s'y passe. Elle erra un moment avant de trouver un mendiant dans une ruelle sombre, à qui elle répéta sa question, cette fois en faisant miroiter une pièce d'argent. La réponse qu'elle obtînt fut à quelques choses près la même que celle de l'aubergiste. Peut-être étais-ce vrai, finalement... Eowynia remercia le manant et se retourna afin de retourner à l'auberge, lorsqu'un bruit l'arrêta, et qu'elle se retourna brusquement. Voilà que le manant tentait de lui subtiliser sa bourse.

- Vous commettez une grosse erreur...

Il se rua sur elle. D'un coup de poing dans le ventre, elle lui coupa la respiration, le forçant à reculer. Hagard, il se saisit d'un couteau usagé, qui ne devait probablement plus rien couper. Une profonde bouffée de rage monta à l'intérieur de la jeune femme qui s'avança vers l'homme, sans même dégainer sa propre dague, et lorsqu'il attaqua lame en avant, elle lui saisit le bras qu'elle brisa d'une simple torsion du poignet, dans un craquement assourdissant, lui faisant lâcher son arme. Il hurla. Le son était délectable. Il revint à la charge avec son bras valide. La colère de l'Elfe explosa alors. D'un coup de poing puissant elle lui brisa le nez, répandant un flot de sang qui lui éclaboussa le visage. Un deuxième suivit dans le menton de l'homme, lui brisant la mâchoire. Elle frappait, encore et encore, réduisant ce visage en miettes, ce visage à la peau jaune et craquelée de rides, faisant voler les quelque dents qu'il restait dans sa bouche ensanglantée.

Le souffle court, elle reprit conscience de ses actes lorsqu'elle se rendit compte qu'il était mort sous ses coups depuis déjà de longues minutes. Elle essuya son front luisant de sueur du dos de la main, laissant de grandes traces de sang sur son visage. L'Elfe récupéra alors sa pièce, et repartit finalement vers l'auberge, en réajustant le capuchon de sa cape afin de dissimuler son visage couvert de sang. Du sang de la vermine qu'elle venait d'écraser.

Lorsqu'elle revint dans la chambre, Eluan, toujours nu était allongé nonchalamment dans le lit qui normalement était le sien, et la regardait entrer, attendant toujours la réponse de l'Elfe quant à sa question. Lorsque, sans mot dire elle ôta son capuchon et qu'il vit le sang qui maculait la peau satinée d'Eowynia, il haussa un sourcil interrogateur. Rapidement, elle se rinça le visage dans ce qu'il restait de l'eau du bain, et dit :

- J'irai poser les questions pour vous. Je doute que vous puissiez vous montrer dans les rues au vu de votre popularité. Et ensuite nous parlerons de votre vengeance qui, j'imagine n'est pas négociable. De plus je serais mal placée pour critiquer ce point, c'est donc entendu.

Voyant qu'il continuait à la fixer, elle ajouta sur un ton badin :

- Oh et cessez de me regarder comme cela... Ce n'est pas mon sang. Seulement un insecte qui s'est mit sur mon chemin et que j'ai du écraser. Alors, que recherchez-vous exactement ?

Impassible, Eluan observa l'elfe quitter la pièce alors qu'il sortait du bain. Il se saisit d'une serviette à portée et commença à s'essuyer avec application, cherchant à effacer toute traces du passage de l'eau sur son corps. Il se laissa tomber sur le lit de l'elfe sans prendre la peine de poser la serviette et, les bras perpendiculaires à son corps, comme un crucifié, il ferma les yeux.

Le sang était omniprésent, il coulait sur sa peau, il éclaboussait son visage, il imprégnait sa peau, s'incrustait sous ses ongles pour former des caillots. Pluie, fleuve, mer, océan, tout n'était que rouge et dans tout ce vermeil il se perdait dans la contemplation de corps déchiquetés, de membres séparés de leurs corps et de têtes tranchées. Il restait impassible pourtant, ne savourant à aucun moment tout ceci, il ne comprenait pas tout ceci, sa vie n'avait été qu'une course ininterrompue dont la nécessité première était tuer avant de se faire tuer et il savait bien que quelque chose clochait, car il n'était pas naturellement orienté pour ça, il savait que, malgré tout ce qu'il avait fait ou pût faire, il ne l'aurait jamais fais sans un but bien plus important. C'était donc là qu'il fallait en venir, retrouver ce but qui avait animé son corps, sa lame, son cœur.

Il fût troublé dans ses pensées par l'irruption de l'elfe dans la chambre, son visage était couvert de sang et, interloqué, il haussa un sourcil. Lorsqu'elle lui expliqua de manière détournée ce qu'il s'était passé, il ricana :

« Finalement vous comme moi allons être bon pour le bourreau. Mais, rassurez-vous, il fait un travail convenable. Avez-vous au moins eu confirmation de mes dires ? »

Aucun mystère la dessus, il était certain qu'elle était partie se renseigner sur le vrai ou le faux de ses affirmations. Toujours un sourire aux lèvres, il se serra à la gauche du lit et interrogea la jeune femme :

« Vous voulez une place ? »

Il ferma les yeux brièvement, elle ne viendrait pas trop fière qu'elle était de cette distance qu'elle instaurait entre eux. Finalement il rouvrit les yeux, se redressa un peu, appuyé sur ses coudes et il examina sa peau, mise à part au niveau de son pubis et ses aisselles il restait outrageusement glabre pour un homme, d'aucun y verrait un moyen d'atteindre à sa virilité, lui y voyait une raison de plus d'entretenir un certain narcissisme, il s'aimait ainsi et, même s'il ne s'était jamais vraiment expliqué cette absence de pilosité, il était certain qu'il n'aurait apprécié que très modérément une trop forte abondance du système pileux. Toujours souriant, il poursuivit :

« L'enquête, je la ferais moi-même en même temps que la vengeance, je sais qui est au courant, c'était pour cette raison que je suis venu en ce lieu. Vengeance et enquête sont liés. Reste à savoir maintenant quand vous voudrez que l'on intervienne, comme vous l'avez si bien fait remarquer d'une manière plus ou moins directe, je suis en votre pouvoir, c'est vous qui dirigez, je m'en remets à vous pour décider de quand nous pourrons intervenir de manière optimale. Vous aviez raison sur au moins un point : ma vengeance est non négociable comme ma façon de l'obtenir, je vous saurais gré de ne pas vous mettre entre moi et elle, tout ce que je demande c'est la pleine liberté de l'assouvir comme je l'entends. Si vous ne pensez pas pouvoir assumer cette responsabilité, si vous craignez ce que je puis être capable d'accomplir je peux m'en charger tout seul et nos chemins se séparent dès maintenant, ou bien une fois la bas vous pourrez sortir de la pièce pour éviter d'assister à toutes les 'contrariétés' que pourrait se voir infliger Monsieur le Juge. Nous sommes d'accord ? »

« Finalement vous comme moi allons être bon pour le bourreau. Mais, rassurez-vous, il fait un travail convenable. Avez-vous au moins eu confirmation de mes dires ? »

- Pour ça, c'est le moins que l'on puisse dire, vous êtes un peu une célébrité locale dans le coin.

C'était un fait. Quoi qu'Eluan ait pu faire, il l'avait «bien» fait car la population se rappelait très bien de lui, et au vu des descriptions faites, ce ne pouvait qu'être lui et non pas un quelconque jumeau se promenant au mauvais endroit au mauvais moment. L'Elfe s'appuya contre le mur, réfléchissant.

« Vous voulez une place ? »

Elle haussa un sourcil, et regarda brièvement dans la direction du jeune homme outrageusement étalé dans son lit, qui la regardait en souriant nonchalamment. Décidément, quelques vêtements ne seraient pas du luxe, bien que la vue ne soit pas désagréable, elle ne pouvait cependant pas penser à cela, pas avec lui. S'amuser de sa promptitude à s'énerver et de ses manières était une chose, imaginer passer à toutes sortes d'actes sexuels en était une autre.

- Je serais vous je ne prendrais pas mes aises si vite. Je pense que plus vite nous rendrons visite à votre ami, mieux cela vaudra pour nous deux.

« L'enquête, je la ferais moi-même en même temps que la vengeance, je sais qui est au courant, c'était pour cette raison que je suis venu en ce lieu. Vengeance et enquête sont liés. Reste à savoir maintenant quand vous voudrez que l'on intervienne, comme vous l'avez si bien fait remarquer d'une manière plus ou moins directe, je suis en votre pouvoir, c'est vous qui dirigez, je m'en remets à vous pour décider de quand nous pourrons intervenir de manière optimale. Vous aviez raison sur au moins un point : ma vengeance est non négociable comme ma façon de l'obtenir, je vous saurais gré de ne pas vous mettre entre moi et elle, tout ce que je demande c'est la pleine liberté de l'assouvir comme je l'entends. Si vous ne pensez pas pouvoir assumer cette responsabilité, si vous craignez ce que je puis être capable d'accomplir je peux m'en charger tout seul et nos chemins se séparent dès maintenant, ou bien une fois la bas vous pourrez sortir de la pièce pour éviter d'assister à toutes les 'contrariétés' que pourrait se voir infliger Monsieur le Juge. Nous sommes d'accord ? »

Eowynia prit un instant pour intégrer les paroles d'Eluan. Il entendait mener son enquête lui-même, soit, voilà qui l'intriguait. Quel secret pouvait-il chercher à déterrer ? Cet homme avait décidément non seulement un don pour l'amuser, mais également pour l'intriguer. Cette petite sortie promettait d'être intéressante.

- Et bien, nous sommes partis ?

Ils se revêtirent chacun d'une cape, et quittèrent l'Auberge du Poney Tousseux en silence. Eluan la guida à travers la ville jusqu'à la maison du-dit juge, la considérant sans un mot. Haute de deux étages, et étendue au sol, trouver le juge là-dedans ne serait pas chose aisée si ils entraient par effraction. Mieux valait employer une méthode moins risquée.

- Suivez-moi et taisez-vous.

L'Elfe rabaissa son capuchon et s'approcha d'un pas décidé du portail qu'elle poussa d'un coup, avant de frapper trois grands coups à la porte. Les secondes s'écoulèrent longuement avant qu'un homme ne daigne venir ouvrir, apparemment encore tout ensommeillé. Il bâilla un grand coup, considérant la jeune femme qui se tenait devant lui avec des yeux incrédules et embués de sommeil, jetant à peine un coup d’œil à Eluan dont le capuchon masquait toujours le visage.

- Qu'est-qu'vous voulez à c't'heure-ci de la nuit bon sang ?

- Affaires Eséennes, nous avons message à transmettre en urgence au juge, personne ne doit nous voir ici, je vous prierai donc de nous laisser entrer et d'aller chercher votre maître dans les plus brefs délais.

Sans aucun ménagement l'Elfe entra, poussant sur son chemin l'homme qui ne semblait pas savoir où donner de la tête tout en se perdant en bredouillements.

- Vous pouvez également nous mener à un salon privé afin que nous puissions discuter en toute intimité.

Confus, l'homme ferma la porte derrière Eowynia et Eluan, les conduisit à un salon et s'en alla quérir son maître. La jeune femme se tourna vers son compère et fit le tour de la pièce afin de repérer les lieux et sorties en cas de problème.

- Et bien, nous y sommes... A vous de jouer....

Ses yeux en amandes se plissèrent alors qu'il se délectait de la gêne si peu dissimulée de son interlocutrice. Il lâcha un sourire entendu et se tourna de manière a être face au plafond. Il laissa un temps s'écouler, fermant les yeux, assimilant les paroles de l'elfe, sa main droite s'ébroua dans le vide pour finalement trouver son katana, dans son fourreau. Il l'ôta délicatement de celui-ci et caressa la lame incurvé, sa tsuka avait toujours cette couleur rouge sombre qui lui donnait un côté un peu sanglant et la soie avait toujours cette douceur qui lui rappelait les caresses de … Les serpents de la tsuba continuaient à s'affronter en sifflant. Le bois de magnolia de son saya avait toujours une texture qui avait l'art d'hérisser ses poils. Il contempla longuement cette œuvre d'art qu'il avait lui-même forgé tout en réfléchissant. L'arme ne semblait pas avoir bougé d'un pouce tant au niveau de sa beauté que de sa solidité, pourtant, il sentait dans ses pulsations que quelque chose avait changé en elle. Il se mit à parler, pas vraiment pour lui-même, pas vraiment pour Eowynia, mais plus pour l'arme il semblait, son souffle était saccadé, son ton doux :

« Tu n'as plus rien de Firiniënwé, l'ardeur du feu n'est plus ton principal aspect...,

il caressa la lame dans toute sa longueur puis se coupa légèrement le doigt avec son tranchant, il laissa alors le sang s'écouler sur elle,

Non, tu reflètes plus la soif à présent, une soif inassouvie de mort et de vengeance, tu es restée bien trop longtemps loin de la bataille et de ceux qui tentent de nous arrêter... A présent, tu es Shegath. A présent tu es la Vengeance d'Outre-Tombe. Oui... Et tu es mienne. »

Il se redressa, fit mine de ne pas remarquer l'expression médusée de l'elfe et enfila la cape qu'elle lui jeta, dissimulant son visage sous le capuchon, il passa devant pour la conduire chez le juge. La route fût calme, les gardes étant concentrés dans l'autre partie de la ville, ils seraient tranquilles pour œuvrer. Arrivés au domicile du magistrat, il laissa l'elfe prendre les devant et en profita pour s'abaisser à un dernier vice : bien qu'il y avait peu de chance pour que sa vengeance lui réchappe ou qu'il meurt ici, il décida que se rincer l’œil n'était pas du luxe. Et il fût aidé dans cette résolution par un coup de vent fort bienvenue certes, mais un peu froid pour lui-même également. Aussi son regard s'abaissa discrètement sur la croupe rebondie de l'elfe tandis que cette dernière expliquait que les Affaires Eséennes nécessitait une entrevue avec l'homme de loi. Le laquais les conduisit à un salon faiblement éclairé où un feu de cheminée ronflait paresseusement, Eluan s'en rapprocha et tendit les mains juste au dessus afin de se les réchauffer. La chaleur se diffusait sur et sous sa peau, lui imposant un calme certain. Son regard se promenait sur les différents livres et traités qui ornaient la bibliothèque du magistrat alors que l'elfe terminait sa courte ronde de repérage et se rapprochait de lui pour lui indiquer que c'était à lui d'agir.

Il se sentait excité et calme à la fois. Comme si il se trouvait dans un bain dans lequel il se reposerait alors qu'un flot d'adrénaline se diffusait en lui. Il se rapprocha de l'elfe, un peu trop près a son goût très probablement, et il agrippa ses fesses d'une main, caressant la joue de la femme de l'autre, l'elfe dégaina sa lame pour la mettre sous son cou avant qu'il parvienne à lui arracher un baiser mais avec un regard de défi il lui mordit la lèvre inférieur dans un sourire narquois.

Le claquement d'une porte les surprit avant qu'ils ne puissent (l'un comme l'autre) aller plus loin et une voix fébrile se fit entendre.

« Vous vouliez me voir ? »

Il connaissait cette voix, c'était celle de sa victime.

Se séparant de l'elfe, il prit place dans un fauteuil alors que leur hôte en faisait de même et que l'elfe, visiblement interloquée, les imitait. Le vieillard fixait intensément Eluan tout en grattant sa tête dénuée de cheveux :

« Mmmh... Je perds un peu la tête, mais votre visage m'est quelque peu familier... Mais ne perdons pas de temps, vous devez être fatigués et je dois avouer que moi aussi je le suis. Qu'est ce qui vous amène ici ? »

Eluan lui rendait son regard alors que son propre visage affichait un sourire railleur, puis il prit la parole d'une voix onctueuse :

« Je suis ici pour parler d'un certain repris de justice. Un mage noir du nom d'Ankesareth. Nous avons besoin d'informations sur lui car il dévaste nos propres campagnes, pourriez-vous nous aider ? »

Intérieurement, il jubilait, car il savait que se rapprochait les deux 'V' de sa victoire.

Vérité et Vengeance.

Le vieil homme fouillait les poches de sa robe de chambre et finit par y trouver un monocle qu'il déposa devant son œil droite. Il parut songeur quelques instants, puis il finit par se rappeler ce qu'il cherchait, visiblement:

« Mmmh... Ankesareth, oui, je me rappelle très bien de lui... Il a été condamné a ce que sa tête soit tranchée ici-même, mais nous avons eût l'étonnante surprise de voir qu'il avait disparu de sa cellule au moment de son exécution. Tout ces événements datent d'il y a environ une dizaine d'années. Il était plutôt grand, le teint mat, toujours un sourire cruel aux lèvres. Il portait un capuchon noir le plus souvent et était tatoué dans mes souvenirs... Un scorpion, je crois bien. Mais d'où venez-vous ? Sachez que la Justice de Nendili le mande aussi pour les crimes qu'il a commit. Il a sacrifié des enfants et des vierges dans une sorte de rituel et... Mais ? Que faites-vous Monsieur ? »

« Allons, Monsieur le juge, vous ne vous rappelez pas de moi ? Il faut dire que cela fait bien dix ans que nous ne nous sommes pas croisés... Vous m'avez envoyés profondément sous terre et mon corps en porte encore la marque... Vous m'avez déclaré comme dément et avez exigé mon exécution. Mais à présent je reviens pour vous apprendre que même la Mort ne peut m'arrêter et que, tel un Fléau, je m'abats sur Mereth à nouveau. »

Et, joignant le geste à la parole, il enfonça avec une rapidité surprenante son katana dans le cœur du vieil homme qui restait pétrifié. On lisait la peur, la douleur et surtout la compréhension sur son visage et Eluan éclata de rire alors que le vieux rendait son dernier souffle. Il resta ainsi pendant au moins une bonne minute, puis ôta sa lame pour finalement se retourner et se retrouver face à l'elfe qui lui lançait un drôle de regard.

« Oui, je sais, un peu trop théâtral tout ça. Mais là où il va j'ai envie que la dernière image qu'il ait de moi soit celle que je lui ai donné afin qu'il craigne pour la vie des autres. Bien, nous pouvons y aller, à présent. »

C'était sans compter sans les deux domestiques qui étaient entrés dans la pièce à cet instant et qui hurlèrent, donnant l'alerte. La situation se corsait et un sourire fugitif se glissa sur le visage de l'homme : la soirée promettait encore de bons moments.

L'Elfe fut surprise par Eluan qui se permit de la toucher bien plus intimement qu'elle ne le lui aurait permit avec une quelconque autorisation. Instinctivement, sa lame se retrouva pointée sur la gorge du jeune homme qui ne démordit pas de ses intentions en lui mordant la lèvre inférieure. Eowynia allait répliquer lorsqu'un bruit de porte se fit entendre, coupant court à toute discussion plus ou moins musclée. La jeune femme rengaina prestement son arme et s'éloigna d'Eluan, encore médusée. Elle salua le juge brièvement, et se laissa choir dans un confortable fauteuil proche d'elle.

Écoutant avec attention le moindre mot des deux hommes, l'Elfe ne perdait pas une miette de la discussion, tout en repassant l'instant passé avec Eluan quelques minutes plus tôt. Dix ans avaient passés durant la stase qui avait arrêté le temps. Dix ans sans contacts, sans rien. L'esprit n'en gardait aucune séquelle, mais le corps lui avait perçu ce changement. Eowynia se surprit a retrouver des traces d'excitation dans le moment où il lui avait agrippé les fesses et mordu la lèvre, une excitation provocatrice et brutale, bien qu'elle ne veuille pas l'admettre clairement. Elle fut arrêtée dans ses pensées par les derniers mots qu'Eluan et le juge échangèrent, qui ne manquèrent pas d'un certain sens du spectacle, il fallait l'avouer.

« Oui, je sais, un peu trop théâtral tout ça. Mais là où il va j'ai envie que la dernière image qu'il ait de moi soit celle que je lui ai donné afin qu'il craigne pour la vie des autres. Bien, nous pouvons y aller, à présent. »

Elle n'eut pas le temps de répliquer, car la porte s'ouvrit à nouveau sur deux serviteurs qui furent pétrifiés par la scène et se retournèrent en hurlant. Sentant l'adrénaline monter, l'Elfe dégaina ses armes, en lançant une sur l'un -un homme- qui commençait à s'enfuir en courant, qu'il reçut dans le milieu du dos, l'abattant sur le champ. Restait une servante un peu grassouillette qui trottinait aussi vite que ses courtes jambes le lui permettaient en hurlant. L'Elfe lança à Eluan :

- Je m'occupe de sécuriser l'entrée principale, occupez-vous de trouver les autres. Tuez tout ce qui se trouvera sur votre route, l'alerte est lancée, personne ne doit sortir d'ici vivant sinon nous ne passeront pas la nuit.

Eowynia n'attendit pas la réponse du jeune homme et ramassa son arme plantée dans le dos de l'homme avant de s'élancer à la poursuite de la bonne qu'elle rattrapa rapidement, lui assénant un puissant coup de pommeau dans la nuque qui se brisa nette. Elle continua sa course jusqu'à la porte par laquelle ils étaient entrés dont elle vérifia la poignée. Elle était fermée. La jeune femme brisa la poignée d'un coup de lame, et s'élança dans un couloir latéral où elle trouva celui qui leur avait ouvert armé d'une piètre lame qu'elle dévia d'une simple torsion du poignet. Il tremblait comme une feuille.

- Vous n'oserez rien. Vous n'êtes pas un tueur, vous n'avez pas d'ambition. Vous mourrez tel que vous êtes, en laquais tremblant qui n'attend qu'une chose, le prochain ordre de son maître. Je vais vous soulager de ce fardeau.

Et, d'un coup d'un seul, elle fit sauter la tête tremblante du corps de l'homme qui lui faisait face. Un cri s'éleva quelques mètres plus loin, que l'Elfe fit taire à peine quelques secondes plus tard, répandant encore plus de sang sur le sol de la maison. De l'autre côté, là où Eluan avait du partir, d'autres cris retentissaient. Continuant son chemin, la jeune femme se trouva face à un escalier qui menait à l'étage et qu'elle emprunta. Les servantes qu'elle rencontrait se figeaient sur son passage avant de mourir d'un coup de katana, éclaboussant les murs, le visage et les vêtements de la belle de liquide couleur rubis. Elle se mouvait avec une grâce indolente et féline, chaque geste ayant un but précis. Avancer, tuer, avancer, tuer encore, ouvrir une porte. Elle entra dans ce qui devait être la chambre à coucher du juge, où une femme outrée la regarda s'approcher.

- Que signifie ceci ?! Je vous prie de vous expliquer ! Pourquoi tout ce remue-ménage dans ma maison ?!

Quelque chose clochait. Une personne normale aurait hurlé en voyant la jeune Elfe entrer comme cela couverte de sang et l'arme à la main encore dégoulinante de fluide vital. La vieille femme non. C'est alors qu'elle vit. Les prunelles blanches, aveugles. Le juge avait une femme aveugle, et l'Elfe devait faire un choix. Elle s'approcha doucement de la femme, et d'un coup vif et précis, lui trancha la tête. Elle avait au moins tenté de réduire au minimum ses souffrances. Elle ne pouvait se risquer à la laisser en vie. Tout le reste de l'étage était vide, ainsi elle retourna en bas à la recherche d'Eluan, sa tâche macabre proprement effectuée.

Le Mirien ne trouva aucune raison de se départir de ce sourire narquois qui semblait l'accompagner presque tout le temps, en effet, il avait pût admirer l'elfe massacrer des innocents sans remords et cela le surprenait agréablement et en même temps cela le décevait un peu. Au fond, il avait espéré qu'elle aurait une éthique ou une certaine morale qui l'empêcherait de tuer de pauvres personnes que l'on pouvait considérer comme innocente, si cela avait été le cas il aurait pût s'amuser à corrompre ses valeurs, mais non, l'elfe semblait dotée d'une sorte de pragmatisme malsain. Elle lui aboya de continuer le massacre à cet étage afin qu'il ne reste aucun survivants, selon elle leur survie en dépendait, le regard du Mirien se ferma et son sourire retomba aussitôt pour prendre une contenance et un sérieux qui lui était difficilement reconnaissable. Le bruit s'était éloigné en même temps que l'elfe qui avait continué son massacre. La longue crinière corbeau se dandinait lentement au rythme bien plus lent de la marche du bretteur, celui avançait à un pas lent, pas mesuré, mais au contraire plutôt audible comme s'il n'y avait pas de massacres, comme s'il n'avait pas envie de se presser, comme si c'était un homme lambda qui flânait dans une rue marchande par un dimanche ensoleillé.
Et non content de prendre cette démarche un peu hors de propos dans le contexte actuel, il traînait derrière lui son katana, comme s'il était devenu difficile de le soulever. Et ce caprice avait le don d'être bruyant, ce qui n'était pas spécialement une bonne chose dans la situation actuelle.

C'est dans cette posture grotesque et cette avancée un brin ridicule qu'il se retrouva, sans trop savoir comment et pourquoi, dans une pièce qui semblait être une salle de bain. Un sourire aux lèvres, il décela enfin quelque chose qui éveilla son intérêt : un meuble qui semblait déborder de vêtements, suspicieux, comme un félin s'approchant de sa proie, il avançait vers l'armoire et c'est une fois sur place qu'il se décida a trouver quelque chose qu'il pourrait porter. Cela accommoderait plus l'elfe et lui permettrait d'éviter de geler sur place, encore que cette dernière partie n'était pas spécialement un problème, originaire des montagnes d'Anmar, le froid avait été comme une compagne pour lui, l'une de ses douces amantes qui avait été toujours là et qui ne semblait jamais devoir le quitter, la seule fidèle qu'il conserverait pour toute son existence d'une manière sûre et implacable. Finalement, après avoir réussi a se débarrasser de ses rêveries, son choix se porta sur un kimono a l'étoffe légère d'un bleu myosotis quoiqu'un peu plus foncé sur les bordures. Il entoura le bas de ses jambes de bandes qui éviteraient a son pantalon de trop flotter et qui aurait le mérite de lui tenir chaud, enfin, de manière plus personnelle, elles lui permettrait un meilleur contrôle de ses mouvements. Néanmoins, ses pieds restaient nus, mais il ne s'inquiéta pas pour ce détail, il savait qu'il finirait bien par trouver quelque chose sur son chemin... Chemin qu'il reprit dans cette même posture bruyante qu'il avait adopté auparavant.

Et au lieu d'éloigner les laquais du rez-de-chaussée cela avait le don de les attirer comme du pollen attire les abeilles et les valets se jetaient presque d'eux-mêmes sur la lame du Mirien qui ne faisait qu'asséner des coups lents et prévisibles, mais efficacement mortel car il ne laissait derrière lui qu'un bain de sang. Un quatrième homme s'effondra, portant sa main a sa gorge dans une sorte de reniflement rauque, puis il cessa mouvements et bruits de manière presque simultanée. Eluan s'adossa contre le mur et ferma ses yeux, il avait besoin de calme, les cris et autres hurlements ainsi que la situation avait eût un mauvais impact : celui d'amener une sorte de tension fluctuante qui se propageait en lui et l'agaçait au plus haut point. Et alors qu'il tentait de calmer sa mauvaise humeur il sentit un léger courant d'air balayer ses cheveux, un sourire s'épanouit sur son visage dénué de rides et il s'avança vers l'endroit d'où provenait ce signe. Il fit glisser la porte sur le côté et la referma derrière lui, il était plongé dans le noir, mais les ténèbres étaient altérée par le peu de lumière qui traversait par l'embrasure.

Il s'arrêta. Net.

Il percevait quelque chose dans la pièce, quelque chose qui n'aurait pas dû être là, techniquement. Oubliant toute prudence, il laissa tomber le bout de sa lame contre le sol ce qui eût pour effet de produire un bruit sec et de l'aider dans sa recherche. Lentement, il s'avança vers l'endroit et il trouva ce qu'il était venu y chercher. Ici, se trouvait deux femmes, ou plutôt, pour être bien plus exact : une femme et une petite fille, au jugé elle ne devait pas avoir plus de sept années, quand a la femme, elle avait a peu près l'âge qu'Eluan aurait dû avoir s'il n'était...pas mort. Il laissa tomber son arme sur le côté dans un nouveau bruit retentissant et s'accroupit, il avança une main vers le visage de la femme et tenta de caresser sa joue mais cette dernière sortit un couteau qu'elle mit sous la gorge du bretteur dans une posture qu'il jugea bien maladroite, un rapide coup d’œil et un examen tout aussi rapide lui permit de déterminer qu'il y avait peu de chance que ce fer disgracieux et vulgaire n'entaille sa peau si parfaite pour s'abreuver de son sang. Il sourit, puis prit la parole d'une voix douce :

« Allons, je ne vais pas vous tuer, je n'en ai pas envie. »

Un mince filet de lumière éclaira le regard interrogateur de la jeune femme tandis que sa volonté concentrée dans cette main qui tenait un couteau vacillait. Le Mirien semblait amusé par la situation et sa main dévia vers la joue de la petite fille qu'il pinça affectueusement dans un sourire sympathique :

« Ma petite, quand tu sortiras de cette pièce je veux que tu suive mon conseil si tu veux pouvoir survivre a tout ça. Je ne te demanderais rien d'autre. Juste de suivre ceci : ferme les yeux une fois devant cette porte et ce, jusqu'à ce qu'elle te dise que tu pourras les ouvrir, d'accord petit ange ? »

La petite hocha la tête sans rien ajouter de plus, Eluan lui adressa un sourire bienveillant, fit un clin d’œil a la jeune femme puis se redressa en récupérant Shegath qui siffla de colère comme si elle réclamait le sang des deux femmes. Eluan lui fit « non » de la tête et la rangea dans son saya, il tourna le dos a la petite fille et a la jeune femme qui continuait a tenir un couteau dans le vide et monta les marches jusqu'à la porte qu'il passa et referma derrière lui. Il entendait les bruits de pas de l'elfe et avança a sa rencontre. Ils tombèrent nez a nez et faillirent même se percuter, Eluan prit la parole :

« Maintenant que le lieu est nettoyé, par où allons-nous, maîtresse ? »

Son ton était légèrement teinté d'ironie, notamment sur le dernier mot, il avisa alors une paire de botte délavée qu'il enfila a la va-vite et attendit qu'elle lui explique la marche à suivre.

Les dieux aujourd'hui, avaient décidés de faire preuve d'une ironie certaine, car quand ce monstre de Mirien épargnait deux âmes innocentes, sa compagnonne, elle, décidait de tuer.