Début calme pour journée mouvementée

Un léger courant d'air frais faisait virevolter les quelques feuilles de la plaine, mes cheveux, sous le petit vent, se soulevèrent également quelque peu, par intermittence. J'étais allongé nonchalamment, contre un arbre aux épaisses branches et à l'imposant tronc. Comment ça s'appelait déjà ? Un chêne ? Un acacia ? De toutes façons, quelle importance ? Qui se souciait du nom des arbres ? Certainement ceux qui n'avaient rien d'autre à faire que passer leur vie à tergiverser dans les forêts, à inventer des catégories bizarrement nommées, dans lesquelles classer les plantes qu'ils rencontraient.

Je soupirai.

Quel endroit ennuyant. Il n'y avait rien ici, rien excepté des écureuils qui dévoraient bruyamment leur encas, rien à part des oiseaux qui volaient rapidement, battant de leurs ailes gracieusement, et rien à part un garçon vêtu de noir et protégé d'une fine armure argentée. C'était justement cette armure qui posait problème, j'étais habitué à avoir une totale liberté de mouvement, chacun de mes muscles possédant une autonomie et une capacité de déplacement maximum, mais là, je ne me sentais plus maitre de moi-même. Bien que tous les morceaux superficiels avaient été, à ma demande, enlevés, je me sentais aussi lourd qu'un tronc d'arbre. Tiens, encore une histoire d'arbre, décidément, ils s'étaient mis d'accord pour me gâcher la journée.

La loi obligeant les soldats éséens à porter une cuirasse en guise d'uniforme était particulièrement stupide. De toutes façons, je ne comptais pas éprouver le besoin d'être protégé, puisque jamais je ne serais touché par quoi que ce soit, ma simple contrainte étant d'être assez rapide afin d'esquiver la plupart des coups portés par l'ennemi. Et puis, franchement, je ne me voyais pas réellement non plus aller risquer ma vie pour que des politiciens fanatiques de l'argent se gavent en plus sur mon dos. Non, si j'avais choisi d'intégrer l'armée, c'était simplement afin que l'on arrête de me traiter d'incapable. Une fois mes preuves faites, je pourrais me hâter de quitter cette stupidité sans nom. Il devait certainement y avoir de nombreuses manières de passer pour un héros sans pour autant risquer de réelles blessures.

Mais bon. J'avais également intégré les forces militaires afin de me découvrir moi-même, à travers les dures épreuves physiques que cela entrainerait. Certes, l'idée de risquer ma vie ne me plaisait pas forcément, mais ce n'était certainement pas plus suicidaire que mes anciennes activités sur les toits de Sylphe, sautant entre bâtiments, à plusieurs dizaines de mètre au-dessus du vide.
Je soupirai encore une fois.

Bon.

Qu'est-ce que je faisais ici ? D'accord, j'étais venu de mon plein gré, me ressourcer en plein air et profiter pleinement de mon jour de congé afin de prendre du bon temps et flâner comme je savais si bien le faire. Mais quand même ! Cet endroit était trop calme, vraiment trop calme ! Pas une seule fille à l'horizon à qui montrer mon armure (à défaut de me protéger, l'uniforme pourrait au moins me servir à attirer la gente féminine) ! Pas une auberge à proximité dans laquelle je pourrais m'envoyer plusieurs verres d'alcool histoire de profiter pleinement de mon repos ! Rien.

Soudain, une idée saugrenue me traversa l'esprit. Et si, simplement, je restai là, à ne rien faire, et dormir tranquillement ? Certes, c'était au départ, ce pourquoi j'étais venu. Mais mon esprit était capable de changer si vite d'idée que bon, mieux valait régler le pourquoi du comment plutôt deux fois qu'une. Donc, tel devait être mon programme de la journée, rester là, à ne rien faire, perché sur l'arbre, et regarder le monde en tant que seul spectateur. Rien ne laissait présager que ce jour allait être bien plus intéressant que ce à quoi je l'avais initialement prévu.

"Chaud...trop chaud..."

Avec sa frêle constitution et son teint blafard, le soleil pourtant des plus agréables pour la plupart des gens, semblait vouloir écraser Elende d'un poids immense. la lumière lui brulait à moitié les yeux, du moins lui semblait-il, et, la chaleur était sans doute voué à le dessécher comme un vieux fruit en même temps qu'elle le faisait cuire à petit feux.

"Pourquoi a-t'il fallu que j'atterrisse ici, hein ? Est-ce qu'il y'a des bourses à voler ? Non. Est-ce qu'il y'a tout simplement des gens ? NON !"

Commençant à s'énerver tout seul, il sautilla sur place et se laissa tomber sur le dos. Il avait l'impression que le ciel était en train de le mijoter avec d'obscurs épices. Saupoudré de sable et recouvert de miettes de feuilles sèches, il se trouvait un goût de terre dans la bouche. Rejetant la tête en arrière, il aperçut plusieurs arbres jetant des ombres. Se remettant lentement sur ses jambes, il tituba sans grande conviction pour s'écrouler dans l'ombre salvatrice d'un grand chêne.
Enfin il faisait frais. A peine 1 heure sous un soleil clément et déjà sa peau avait rougie. Tout cela ne lui rappelait trop son enfance et ses obligations à rester chez lui durant l'été, sous crainte de ressembler à une écrevisse sortant d'une marmite bouillante. Il soupira d'aise. Un coup d'oeil aux alentours et son regard se bloqua l'espace d'un instant. Plus que l'homme perché dans l'arbre, plus que son armure argentée et les armes qu'il portait, c'est un éclat rougeâtre qui l'intéressa. A son cou trônait un collier plutôt attrayant. Comme si un bon esprit l'avait requinqué, il lui sembla que toute sa fatigue s'évanouit en un souffle.

Sans attendre, il se releva et se porta au niveau de l'arbre porteur d'humain. S'adossant au tronc, il sortit une dague d'un de ses fourreaux et commença à se nettoyer les ongles de la pointe d'acier.

"J'ai entendu dire que les seuls moments où les soldats éséens étaient capable de dégainer, c'était quand ils devaient aller pisser, c'est vrai ?"

[Et bah pas capable de faire plus pour le coup -_-]